Consoudia, ou les pouvoirs magiques dĠune mauvaise herbe

 

 

Dans la campagne dĠune contrŽe lointaine, vivaient des centaines de milliers de plantes toutes aussi diffŽrentes les unes des autres.   Parmi elles, vivait Consoudia, nom quĠelle trouvait dĠailleurs difficile ˆ porter.  Elle Žtait encore toute frle et petite si bien que personne ne faisait attention ˆ elle.  Consoudia Žtait malheureuse, elle ne se trouvait inutile et laide ˆ c™tŽ de toutes ces plantes qui exhibaient firement leurs fleurs colorŽes et leurs corolles Žtincellantes.  Ç Je ne sers ˆ rien È se rŽpŽtait-elle constamment.  Je rve de dŽcouvrir le monde et de me faire des amis mais tout le monde fait comme si je nĠexistais pas.

Mais un peu de soleil, dĠeau et dĠespace firent basculer son destin.  Elle mis peu de temps ˆ pousser et bient™t de petites fleurs tombantes en forme de cloches apparurent.  Un bourdon passant par lˆ, surpris de voir une plante quĠil ne connaissait pas encore, sĠapprocha et lui demanda : Ç TĠes nouvelle, toi, ici, une velue comme toi, je nĠen ai jamais vue. Je peux faire quelque chose pour toi ? È  Ç Butine ma fleur et emmne moi loin dĠici È ! È sĠempressa de rŽpondre Consoudia.  Aussit™t dit, aussit™t fait, le bourdon emporta avec lui un peu de nectar et de pollen.  Il chercha longtemps la mme fleur velue et tombante que Consoudia et finit par la trouverÉdans le jardin du Roi.

En moins de temps quĠil ne fallu pour le dire, Consoudia fit sa rŽapparition plus grande et plus velue que jamais.  Les lŽgumes et les fleurs du jardin ne tardrent pas ˆ voir cela dĠun trs mauvais Ïil. Potirone, Carottine et CŽlŽriave, plus francs que les autres lŽgumes lĠagressrent : Ç Que viens-tu faire dans notre royaume ?  Personne ne tĠas invitŽ ici.  Tu nous prends de la place et de la lumire. Va t-en, tu nĠes quĠune mauvaise herbe ! È  Consoudia, encore choquŽe et dŽue de propos si mŽchants ˆ son Žgards, nĠavait dŽcidemment pas de chance.  Le Roi faisait justement visiter son jardin ˆ la noblesse du royaume ce jour-lˆ !  Quand il vit Consoudia au milieu de ses lŽgumes si bien rangŽs et alignŽs comme une armŽe, il sĠŽcria : Ç Saperlipopette, nom dĠune bouse de vache pas fra”che, comment cette plante verte, velue et imposante aux larges feuilles

Ose-t-elle venir perturber lĠordre et la droiture de mon jardin. È  Honteux et gnŽ vis-ˆ-vis de ses invitŽs, le Roi laissa tomber son sceptre et couru chercher la faucille.  De r‰ge, il arracha les racines de toutes les plantes de Consoudia et lui coupa toutes ses feuilles. Consoudia resta lˆ mourrante, sur la terre du potager.  Heureusement, la faucille du Roi avait ŽpargnŽ une racine et un jeune plant de Consoudia cachŽs derrire un gros potiron.  Consoudia, pleurait ˆ prŽsent, et ses larmes coulaient le long de ses feuilles piquantes et sa grosse tige. Alors, dŽsespŽrŽe, elle attendit que ses fleurs l‰chent leurs graines et se laissa sĠenvoler au vent jusque dans lĠombre de la fort pour sĠy laisser mourir.  PrivŽe de soleil et dĠeau, elle Žtouffait peu ˆ peu quand tout ˆ coup, une main inconnue se pencha sur elle.  Ç Que fais-tu ici, demanda lĠhomme ˆ Consoudia ? È

Ç Je veux mourir car je ne sers ˆ rien sur cette terre, jĠai ŽtŽ chassŽe du jardin du Roi et personne nĠose mĠapprocher ˆ cause de ma laideur. È  rŽpondit Consoudia.  Ç Et toi, pourquoi viens-tu me perturber dans mon dŽsespoir ? Laisse-moi mourir et va choisir une autre plante. È, rŽtorqua –t-elle.  Alors, lĠhomme lui rŽpondit simplement Ç je suis magicien des plantes. Depuis que je suis petit, je ne cesse dĠen dŽcouvrir de nouvelles.  JĠinvente des recettes pour quĠelles me livrent leurs secrets et leurs pouvoirs magiques. È  Ç Tu te trompes de plante, je ne suis pas magique È, coupa Consoudia.

Ç JusquĠˆ prŽsent, aucune plante ne mĠa dŽue ! rŽtorqua le magicien. Ç  Je te propose un marchŽ. , continua t-il. Ç Je te cueille en veillant ˆ te laisser une racine en terre et si je ne te dŽcouvre aucun pouvoir, je te replanterai aussit™t, et tu pourras mourir en paix È , proposa le magicien.  Ç Bon dĠaccord È, fit Consoudia Ç De toute faon je nĠai plus rien ˆ perdre. È

CĠest ainsi quĠelle fut cueillie et emmenŽe dans le sac du magicien pour rejoindre sa demeure cachŽe au milieu de la fort.  Chemin faisant, le magicien cueillit dĠautres plantes magiques, dont il connaissait dŽjˆ les pouvoirs et les rajouta dans le sac o sŽjournait dŽjˆ Consoudia.  Ç Qui tes-vous ? È, demanda Consoudia un peu apeurŽe.  Ç Moi, cĠest Ortie, tu peux mĠappeler titi È. Ç  Moi, cĠest Tanaisie, fais gaffe, je pue !È  Ç Et moi, jĠme prŽsente, cĠest pissenlit,confond pas avec pisse-au-lit, sinon jĠme f‰che. È, rŽpondirent chacune ˆ leur tour les trois plantes.  Ç Et toi, tu tĠes pas prŽsentŽe, tĠas quoi comme pouvoirs magiques ? demandrent-elles en cÏur. Ç Moi, jĠen ai pas È, rŽpondit Consoudia, gnŽe . Ç Je mĠŽvertue ˆ dire au magicien que je ne suis quĠune mauvaise herbe mais lui est persuadŽ que jĠai des pouvoirs ! È rajouta-t-elle. Ç  Ne sois pas si dure avec toi-mme, regarde-nous, nous sommes toutes les trois des mauvaises herbes aux yeux de tous. Pourtant le magicien des plantes nous a trouvŽ ˆ toutes des pouvoirs magiques. È  Ç Laissez-moi rire, lesquels ? È, dit Consoudia. Ç  Moi, ortie, jĠattire les chenilles. Sans moi, de nombreuses espces de papillons dispara”traient sans compter tous les animaux qui se nourrissent des chenilles. È   Ç  Tanaisie, elle, on lĠappelle super-lŽgume car elle repousse les insectes des potagers et sauve ainsi les lŽgumes plus faibles È, continua Ortie.  Ç Et enfin, pissenlit, le terrible, celui quĠon nĠarrive jamais ˆ faire dŽguerpir, lui il sert de mŽdicament aux humains, Ils mangent ses jeunes feuilles en salade pour donner de lĠŽnergie et enlever les crasses de leur corps. En plus, les abeilles fabriquent du miel ˆ partir de ses fleurs jaunes.  Il est trs fort, pisse-au-lit, oh, pardon , pissenlit. È.  Entretemps, le magicien Žtait arrivŽ dans sa demeure et le feu crŽpitait dŽjˆ dans la cheminŽe.  Il sortit les plantes du sac et les sŽpara.  Il prit Consoudia et fit sŽcher ses feuilles et ses racines.  Il Žtait concentrŽ sur son travail quand soudain, on frappa fort ˆ la porte.  Une jeune femme portant un enfant entra catastrophŽe.  Ç Mon fils est tombŽ et sĠest brisŽ un os de la jambe, il saigne et sa blessure ne parvient pas ˆ cicatriser, je ne sais pas quoi faire. Aidez-moi, je vous en prie È, sanglotta la jeune mre.  Le magicien nĠavait pas encore trouvŽ de plantes capable de cicatriser les plaies et de resouder les os, il regarda alors sur la table et eu une idŽe.  Ç CĠest le moment o jamais de savoir si tu as des pouvoirs magiques È dit-il ˆ Consoudia tout en lui faisant un clin dĠoeil.  Il sĠempara dĠune racine fra”che de Consoudia,  , la r‰pa comme une carotte et lĠappliqua ˆ lĠendroit de la blessure de lĠenfant. Ç Faites-moi confiance madame, laissez moi votre fils pendant quelques jours, il vous reviendra en gambadant comme avant. È, conseilla le magicien.

Quelques jours plus tard, en effet, la blessure de lĠenfant avait presque disparu. Aprs avoir remerciŽ Consoudia de lĠavoir guŽri, lĠenfant couru rejoindre sa mre au village.  Ç Tu vois, dit le magicien des plantes, ˆ Consoudia, tu as maintenant la preuve que tu possdes des pouvoirs magiques. È  Et, mon petit doigt me dit que ce nĠest pas fini È.  Il nĠavait pas terminŽ sa phrase quĠˆ nouveau on frappa ˆ la porte dĠentrŽe. CĠŽtait le jardinier du Roi qui connaissait bien le magicien des plantes.  Ç Magicien, un miracle a eu lieu au potager du Roi ! sĠexclama le jardinier tout essouflŽ. Ç Lˆ o les feuilles de Consoudia ont ŽtŽ fauchŽes par le Roi, les potirons et les carottes ont doublŽ de volume.  Le Roi rŽclame quĠon fasse pousser Consoudia dans son potager. Il lui a rŽservŽ une rangŽe particulire È  annona t-il ensuite.  Le magicien regarda alors Consoudia et lui dit simplement Ç nĠoublie jamais que les mauvaises herbes nĠexistent pas ! È.